Petite playlist des meilleures BO de l’espace

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Peut-on regarder l’Espace avec un autre angle que tous ceux qui sont pris dans les blogs et  revues habituelles (politique, technologique,…)? Oui, c’est celui du lien entre l’Espace et la Culture. Tous les arts ont été influencés par l’Espace, et l’Espace est connecté depuis longtemps à tout type d’œuvres culturelles. Sautent à l’esprit naturellement les romans de Jules Verne, les albums d’Hergé, les films de Georges Lucas ou Ridley Scott, mais aussi les poèmes (et romans) de Cyrano de Bergerac (le vrai !), les peintures et sculpture de Fontana ….

Pour ne pas nous noyer, nous consacrons cette rubrique à une sélection d’œuvres de musique classique qui se trouvent liées à l’espace.

Viennent à l’esprit tout d’abord les morceaux classiques utilisés comme bande sonore de films sur l’espace. Comme ils ne sont pas si nombreux cela va nous donner l’occasion de pouvoir en parler avec suffisamment de détails.

2001, L’Odyssée de l’Espace  a été un évènement lors de sa sortie en 1968. Ce chef d’œuvre du réalisateur caméléon Stanley Kubrick (aussi original pour un film de science-fiction qu’il l’avait été pour un péplum, Spartacus, ou un film de guerre, les sentiers de la gloire, ou qu’il le sera pour un film d’horreur, Shining) est une mise en perspective philosophique d’après le roman bien plus linéaire d’Arthur C Clark (qui a publié depuis deux suites de son roman original). La musique du film est entièrement tirée du catalogue classique, comme le seront celles d’Orange Mécanique et de Barry Lindon. On ne parlera pas des quelques sons tirés du Requiem de Ligeti, et d’une courte pièce d’un ballet du compositeur arménien Khatchatourian, car les deux morceaux principaux sont Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss et le beau Danube bleu de Johann Strauss II.

La  vie créatrice de Richard Strauss, au-delà des années de jeunesse, peut en fait se résumer en deux grandes périodes, celle de 1886 à 1900 consacrée aux œuvres orchestrales et surtout aux poèmes symphoniques, puis à partir de 1905 celle consacrée principalement aux opéras, seconde période débutant par des Salomé et Electra expressionnistes et exacerbées, avant des Chevalier à la Rose et Ariane à Naxos plus mélodieux (« mozartiens » disent les amateurs). C’est Liszt qui popularisa le concept de poème symphonique, œuvre symphonique qui relate et suit une histoire, donc de la musique descriptive et non pure. Les premiers poèmes symphoniques de Strauss sont principalement consacrés à un personnage, Macbeth, Till l’espiègle, Don Juan, Don Quichotte, avant Une vie de Héros qui les résume tous. Mais bien sûr, mettre en musique un livre philosophique comme le Zarathoustra de Nietzsche, c’est autre chose. D’ailleurs reconnaissons que, même en étant un grand amateur de l’œuvre, de sa musique et de son orchestration, nous n’avons jamais vraiment réussi à suivre les méandres philosophiques nietzschéens dans cette œuvre magnifique de plus d’une demi-heure. Kubrick de toute façon n’utilise que les deux premières minutes d’introduction du poème (en introduction et conclusion du film), et il a plus fait pour la notoriété du morceau que tous les chefs d’orchestre qui l’ont enregistré. Si vous voulez découvrir le reste de l’œuvre, chaudement recommandé, prenez au hasard une des versions de Karajan (c’est ce qu’a fait Kubrick). Mais mon disque de l’ile déserte c’est le disque enregistré à Chicago par Sir Georg Solti, couplé avec Till et Don Juan, peut être le disque le mieux enregistré de l’Histoire.

Johann Strauss II n’a rien à voir avec Richard Strauss, allemand alors que la dynastie des Strauss est viennoise. Johann junior est probablement le plus doué de la famille. Avec son père Johann I et son frère Joseph Strauss, ils composèrent près de mille de valses viennoises très bien construites mais les plus fameuses (Valse de l’empereur, Aimer Boire et Chanter, Sang Viennois….) sont celles de Johann II, et la plus célèbre reste le beau Danube bleu. Kubrick utilise cette musique lors des prises dans l’espace pour accompagner le mouvement des engins spatiaux et il a apporté une attention particulière à la synchronisation des images avec la musique. Les versions discographiques sont extrêmement nombreuses, ne serait-ce parce que parmi les programmes différents tous les ans du concert du nouvel an à Vienne, le beau Danube bleu est systématiquement joué en clôture du concert, avant le bis, toujours le même lui aussi. Beaucoup de grands chefs d’orchestre ont laissé un enregistrement de la valse. Mes préférés sont les versions de Karajan, celle enregistrée en studio (choisie par Kubrick) et celle enregistrée au concert du nouvel an que Karajan dirigea en 1988, et les deux enregistrées par Carlos Kleiber lors des concerts du nouvel an de 1989 et 1992. Les trois concerts de 1988, 1989 et 1992, existent en DVD, et sont superbes.

Si on fait l’impasse sur quelques notes de la petite musique de nuit de Mozart dans Alien, le second film « spatial » où on entend de la musique classique est le film de 1983 de Philip Kaufman, l’Etoffe des Héros. On y entend le Halleloujah, passage le plus célèbre du Messie de Haendel, et Mars du Gustav Holst.

Haendel est né à quelques kilomètres et à quelques jours de la naissance de Bach. Mais contrairement à Bach qui s’est formé auprès des grands maitres allemands, Haendel est allé prendre le soleil de l’Italie à vingt ans avant de s’installer en Angleterre. Ses opéras et ses oratorios sont donc une combinaison de l’accessibilité et de la richesse mélodique de Vivaldi (leur contemporain exact) et de la profondeur et qualité de Bach. Le Messie, oratorio en trois parties, est une succession d’airs et de chœurs, composé en 1741, naturellement en anglais. Tout est intégralement magnifique dans ces deux heures et demie de musique. La célébrité de l’Halleloujah ne doit surtout pas faire oublier le reste de l’œuvre (ni mon second oratorio préféré, Israël en Egypte, superbe également, qui met en musique les mots de l’Exode). On n’enregistre plus Haendel comme on le faisait il y a trente ans, désormais les orchestres sont « historiquement renseignés », et jouent avec les instruments et effectifs de l’époque. Avec cet effectif réduit (30 à 40 musiciens) choisissez les versions de Gardiner, William Christie ou René Jacobs. Mais si vous êtes nostalgiques des effectifs symphoniques et des instruments modernes, n’hésitez pas à trouver la version de Solti à Chicago ou celle Colin Davis.

L’autre œuvre utilisée dans l’Etoffe des Héros, Mars, fait le lien avec la seule œuvre de musique classique qui a été elle inspirée par l’espace, le cycle de poèmes symphoniques Les Planètes, de Gustav Holst. Ces sept poèmes symphoniques, un par planète, dans un léger désordre par rapport à l’ordre depuis le soleil, a été publié en 1918. C’est l’œuvre la plus célèbre de Holst, compositeur anglais, guère plus célèbre que ses contemporains pourtant remarquables Elgar, Bantock, Bax, Vaughan Williams, Ketelbey, Walton. Bien entendu la personnalité d’une planète est bien compliquée à cerner pour en tirer un poème symphonique, Holst s’est donc surtout appuyé sur la personnalité du dieu qui a donné son nom à chaque planète. Un Mars guerrier, avec un terme de marche martiale (thème des lancements des fusées dans l’Etoffe des Héros), un Mercure léger (« aux pieds ailés »), un Saturne pensif, etc… Pluton n’avait pas été encore été découverte à l’époque, et donc n’a pas été composé.

Après les œuvres utilisées dans les films d’espace (Zarathoustra, le beau Danube bleu et le Messie), et Les Planètes inspirée par l’espace, la troisième catégorie d’œuvres classiques qu’il nous faut citer ici sont les œuvres de musique envoyées dans l’espace. En effet la Nasa a décidé d’envoyer dans les sondes Voyager(1977) des messages pour les éventuels extraterrestres. Des dessins (avec les coordonnées du système solaire, les différences sexuées des mammifères …) et des sons (« bienvenu » en 55 langues, bruit de la nature,  et de la musique). Ne jugeons pas l’initiative, et contentons-nous de commenter le contenu.

Parmi les morceaux envoyés, citons les Concertos Brandebourgeois de Bach, dans une version que l’on considèrerait aujourd’hui bien vieillie (alors vous imaginez les extraterrestres !), une partita de Bach pour violon seule dans la version atemporelle d’Arthur Grumiaux, l’Air de la Reine de la Nuit de la Flute Enchantée, le Sacre du Printemps de Stravinsky dirigé par l’auteur,  un extrait du clavier bien tempéré de Bach dans la version immortelle  mais toujours discutable de Glenn Gould, et la cinquième de Beethoven.

Parler de la cinquième symphonie de Beethoven, une des œuvres les plus célèbres du monde, dans un blog de cette qualité fait prendre le risque de ne strictement rien apprendre au lecteur. Contentons-nous donc de conseiller les versions discographiques en quatre catégories. Depuis plus de vingt ans la plupart des ensembles baroques ont enregistré l’œuvre sur instrument d’époque, fidèle au son que Beethoven aurait pu entendre, à la verdeur et à la difficulté à être joués des instruments du début du XIX° siècle : il y a peu de mauvaises versions. Mais il est permis de penser que le coté grandiose de ces œuvres symphoniques mérite un grand orchestre symphonique, que Beethoven aurait applaudi s’il l’avait connu. Là, il y a les trois autres catégories : les grands chefs symphoniques, les versions de Furtwängler et les versions Karajan. Parmi les grands chefs, recommandons Solti, Klemperer (le choix de la Nasa), Bernstein et Carlos Kleiber. Mais que les amateurs se régalent, comme les spécialistes, des versions de Furtwängler et de Karajan (une dizaine chacun, entre les enregistrements de studio et les « lives »), et s’amusent à les comparer, c’est un jeu infini !

Pour terminer, disons un mot d’une occasion manquée. Puccini n’a rien écrit sur l’espace. Il avait su nous amener dans la Chine médiévale, au Japon de l’ère Meiji, au Far West, dans le Paris des misérables (quatre fois !), en adaptant chaque fois sa musique vériste aux styles des pays et périodes visités. Après les explorations harmoniques de Turandot (1924, inachevé), on imagine donc qu’il aurait surement composé un chef d’œuvre lyrique si on lui avait proposé un livret « spatial » qui l’ait inspiré (Micromegas, de la Terre à la Lune, …).

Naturellement, l’histoire du lien entre l’espace et la musique classique ne s’arrête pas là.  L’histoire spatiale en est à ses débuts à l’échelle de l’humanité, et il en est de même pour la musique classique, qui n’a qu’un demi-millénaire. Déjà on voit poindre des œuvres de musique contemporaine inspirées elles aussi par l’espace (Dutilleux, Messiaen, Florentz, …), musique dont j’avais fait le choix, subjectif une fois de plus, de ne pas parler ici.

Marc DARMON

V for Valse, un voyage fantas(ti)que

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V for Valse Vassilis Varvaresos

Revue subjective

La maison Aparté vous propose aujourd’hui un thème et variations autour de la valse.  Interprétation offerte à un Vassilis Varvaresos truculent, dont le jeu aux arômes pétillants et colorés d’une noble puissance, démontre une parfaite compréhension du sujet. Amateurs de sensations fortes, un nouveau manège vous attend. Plus le temps de tergiverser, attachez vos ceintures !

Avec le Méphisto de Liszt, le tourbillon envoûtant, in medias res, nous invite à la danse. On comprend dès lors que cette scène d’exposition n’est pas là par hasard. Le sujet principal et les différents thèmes sont présentés, le parcours du grand huit musical s’annonce mouvementé. La valse n’est pas une femme facile, elle ne s’offre pas au premier venu ; alors qu’on croit la deviner au loin, la voilà qui disparaît aussitôt, il va nous falloir faire preuve de patience. Et puis pour une belle histoire d’amour, il nous faut bien du romantisme non ? Un bon cliché vaut mieux que deux tu l’auras. N’imagine-t-on pas Juliette perchée sur son balcon un soir de pleine lune, perdue dans ses pensées et troublée par ses sentiments à l’écoute de la Valse-Caprice de Liszt ?

Après ce premier acte qui suggère la valse plutôt que ne la présente, le Carnaval de Vienne de Schumann fait entrer le mâle dans l’arène, mais un mâle sensible s’il vous plait. Voici le temps du héros et de son triomphe. La forme est plus structurée, plus équilibrée, et au milieu de ce carnaval musical, de cette fête majestueuse, les sentiments se dévoilent peu à peu, l’empathie pour les mélodies se fait ressentir et nous aide à comprendre la psychologie de la pièce : derrière ces répétitions parfois martelées, ces accords virulents, cette violence apparente, le romantisme sait se dévoiler dans toute sa splendeur et dans toute sa fragilité. Vassilis n’est pas Flaubert, mais il y a du bovarysme dans son interprétation.

Le spectacle continue et l’ivresse monte peu à peu, les langues et les thèmes se délient, c’est le temps de poser des questions sans se soucier des réponses. Et c’est justement ici le rôle interprété par La Valse sentimentale de Tchaïkovksi dans ce troisième acte. Le piano est caressé et nous révèle ses sons les plus délicats, les plus intimes aussi, c’est l’âme slave qui s’exprime. Parenthèse enchantée, repos du guerrier. Son réveil se fait en douceur avec la Valse de Scriabine, en écho à celle de Liszt, mais en cherchant à s’étendre et à se développer au maximum – scène de pandiculation sonore (tournure étrange j’en conviens) – Et puis, peu à peu, le chant de l’oiseau se fait entendre, il est tournoyant et son rythme nous ramène à notre idée fixe : dansons !

Le final peut alors commencer et se déroulera en deux temps. D’abord avec le Carnaval de Vienne de Rosenthal, feu d’artifice fantasque à la limite du burlesque où le jeu fait littéralement tout valser : sensations garanties ! On cherche à impressionner, on fait le paon devant sa belle, c’est une parade musicale nuptiale. La technique est au service du vertige. On imagine Chaplin dansant, mais en couleur, ou Sisyphe essayant en vain de monter ses notes au plus haut sommet de la portée avant de les voir toutes dégringoler et de recommencer son œuvre, sans jamais se lasser évidemment, car il y a du sens dans cette démarche. Enfin, La Valse de Ravel vient nous faire chavirer et conclut ce final en apothéose. Dès les premières notes qui surgissent des graves profondeurs, un danger semble être annoncé, et puis, lorsque la valse se révèle enfin, le piège s’est déjà refermé. Nous sommes pris dans la vague, impossible d’échapper à cette tempête finale, notre destinée ne nous appartient plus. Quel plaisir !

V for Valse est un album de garde à consommer sans modération, dont la sélection enivrante vous mènera à coup sûr à l’ivresse baudelairienne. Si cet album était un film, il s’appellerait V for Vertigo, et s’il était une toile, il aurait été peint par un Renoir fauviste sans aucun doute.

Pierre Feuillessizo

NB : Petite pensée émue pour les articulations de Vassilis Varvaresos soumises à rude épreuve lors de cet enregistrement, car lorsque l’on connaît les risques d’hypertrophie de l’homonculus de Penfield, les prudhommes ne sont jamais loin.

Ensemble Les Timbres, Couperin – Concerts Royaux

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Les quatre  Concerts Royaux occupent une place singulière dans la production de François Couperin. On sait Louis XIV fervent mélomane, au point qu’il interrompait volontiers ses Conseils des ministres pour quelque séance de danse. Et c’est son amitié sincère pour Lully qui a permis à ce dernier de régner, jusqu’à sa mort accidentelle en 1687, sur la musique à Versailles. (Ainsi, par un curieux paradoxe, c’est un Florentin exilé  qui, en codifiant le grand genre du drame lyrique, a tenu la France à l’écart des exubérances du Baroque italien).

Mais nos Concerts Royaux nous situent au crépuscule du Roi Soleil. C’est en effet en 1714 et 1715 que Couperin les compose, à la demande du Roi qui se les fait jouer les dimanches après-midi. Versailles, désormais sous la coupe de la Maintenon, a connu des heures plus gaies, le Monarque est malade, le Royaume appauvri… Pas étonnant, dès lors, que Couperin nous livre une musique assez sombre, grave et recueillie, mais certes emplie de grandeur et de noblesse.

On sait que Couperin y tenait lui-même la partie de clavecin; il s’est ainsi réservé plusieurs parties parties solistes. Pour le reste, la composition et le nombre de musiciens sont, comme souvent à cette époque, à géométrie variable. Les Concerts Royaux sont parfois joués à trois (violon ou flûte, viole et clavecin).

Dans le disque de l’ensemble Les Timbres, nous avons droit à quelque dix instrumentistes. Cela donne une belle variété d’un numéro à l’autre. Le Prélude du Concert 1 évoque une ample ouverture à la française, là où l’Air Tendre du Concert 2 fait dialoguer la viole et le théorbe, et la Sarabande du Concert 4 enlace tendrement les mélodies de deux flûtes… Parfois, comme dans le Prélude du Concert 3, l’abondance des instruments crée des frottements harmoniques qui réjouiront en priorité les amateurs de phrasés baroques.

En résumé, une belle production des Concerts Royaux, pages attachantes d’un compositeur auquel Ravel se fera un devoir de rendre hommage en son Tombeau de Couperin, c’est dire la qualité de sa production.

Christian EVAIN

ENSEMBLE CASTELKORN & JOSEF ŽÁK Lamentevole Sonates pour violon de Biber, Muffat, Bertali, Schmelzer…

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Lamentevole
Sonates pour violon de Biber, Muffat, Bertali, Schmelzer…
Ensemble Castelkorn Josef Žák, violon & direction

ELOQUENTIA
Sortie le 18 janvier 2018, Distribution Socadisc
Communiqué de presse

Ce disque nous convie à une découverte (en tout cas pour l’auteur de ces lignes) de quelques musiciens baroques des années 1650/1710 en Bohème et Autriche.

L’entreprise est intéressante, car on oublie facilement qu’entre les grands centres musicaux d’Italie et d’Allemagne du Nord, les fastes du Baroque résonnaient aussi dans l’Europe centrale.

Rien d’étonnant à cela, puisque la région ( que Dominique Fernandez, dans La Perle et le Croissant, situe au coeur du monde baroque ), regorge de trésors architecturaux et décoratifs.

Les compositeurs de ce disque ont en commun d’avoir travaillé pour le Prince-Evèque Lichtenstein-Castelkorn, alors installé non loin de Vienne, et assurément mélomane averti.

Certains sont italiens (A.Bertali, A.Poglietti), d’autres autrichiens (H.Biber est le plus connu, J.Schmelzer), l’un (G.Muffat) est français… originaire de Megève. A vérifier s’il a droit à une rue à son nom dans la station !

Le violon règne en maître dans ces pages, généreusement servi par Josef Zak et ses complices. Le cosmopolitisme est au rendez-vous: un tchèque, une française, un chilien et un norvégien composent l’ensemble Castelkorn.

Certaine pages (Sonate de Biber et de Muffat) semblent, par leur virtuosité mélodique et presque contrapuntique, annoncer les oeuvres pour violon seul de Bach.

Souvent, l’influence du goût italien prédomine; on est bien à l’époque de Corelli. Ailleurs (Chaconne de Bertali), les rythmes de la musique « ancienne » s’allient aux harmonies d’un canon, forme en vogue à l’époque (Pachelbel).

Tout cela est fort plaisant à l’écoute, même si l’articulation baroquisante du violon et l’absence de vibrato peuvent lasser (mais c’est la loi des baroqueux ). Qu’on ne s’attende pas à des audaces révolutionnaires chez ces ces compositeurs ; mais l’allant et l’inventivité de leur musique est une antidote à la morosité et, on ne peut que remercier notre ami le Prince-Evèque d’avoir su si bien s’entourer.     

par Christian Evain

Meditations, JJ.Froberger, Julien Wolfs (clavecin).

JULIEN WOLFS – clavecin
Méditation
Johann Jacob Froberger

Avec « Méditation », Julien Wolfs met l’accent sur des pièces majeures inspirées d’épisodes sombres de l’existence de Froberger.
FLORA4016 │UVM distribution │ Sortie le 20 octobre 2017

S’il est un musicien trop souvent méconnu, c’est bien Froberger.

Pourtant, ses seules dates doivent susciter la curiosité du mélomane. Qu’on y songe: sa vie créatrice court de 1640 à 1667. Soit entre les morts du grand Monterverdi et de Frescobaldi (le maître de Froberger à Rome), tous deux disparus en 1643; et la glorieuse année 1685, qui vit naître JS Bach, GF Haendel et D.Scarlatti.

Une période où toutes les audaces harmoniques et rythmiques étaient permises, encouragées, célébrées !

Pour un peu, on penserait ( toute mesure gardée !) à la phrase de Flaubert, placée par M.Yourcenar en exergue  de ses Mémoires d’Hadrien: « les dieux n’étant plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc-Aurèle un moment unique où l’homme seul a été ».

L’homme Froberger, justement, parlons-en. Sa vie itinérante nous rappelle combien furent féconds les échanges musicaux (et bien sûr picturaux) entre Italie, Allemagne, France, Angleterre, des 17 et 18 siècles. Et il n’hésite pas à composer sur des évènements personnels ou douloureux. Ainsi, la mort dans ses bras de son ami Blanrocher nous vaut des pages poignantes avec, dans les dernières mesures, une note grave répétée, telle un glas. Le tout avec une économie de moyens dans la composition qui impressionne, tant les émotions sont richement rendues.

Ailleurs dans le disque, on pense à l’Italie baroque (Tocatta II), à la mesure française (Fantasia VI) ou au contrepoint allemand – le Cantor tiendra d’ailleurs Froberger en haute estime (Capricio X).

Le clavecin Ruckert de J.Wolfs rend magnifiquement justice à la richesse d’inspiration et à la variété de tons de ces pages. Le son n’est ni clinquant, ni hiératique. Le jeu de l’interprète marie avec bonheur la fantaisie indispensable à cette musique et une élégance de bon aloi.

Dernier point: c’est toujours un régal (surtout pour un pianiste) d’entendre les frottements harmoniques dûs à l’accord en tempérament inégal des instruments de cette époque.

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